Login

« Les collectivités peuvent et doivent acheter local »

Le code des marchés publics permet de choisir des produits ayant le meilleur bilan carbone, et donc de favoriser ceux en provenance de pays européens... voire des articles plus locaux pour peu qu'il s'agisse d'un marché adapté.

« Nous avons une responsabilité sur l'emploi, le développement durable et en tant que gestionnaires », estime Emmanuel Gilles de la Londe, directeur des services techniques de Saint-Mandé (94) depuis trois ans, et élu chargé de la voirie et des espaces verts de Bry-sur-Marne.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Emmanuel Gilles de la Londe a une position claire : « Les collectivités peuvent, et doivent aider l'achat local. » Elles le peuvent, malgré les contraintes imposées par le code des marchés publics. « Nous devons être très clairs avec nous-mêmes : si on nous propose un produit qui vient de l'autre bout de la planète et que nous disposons du même localement, il faut donner priorité à ce dernier en introduisant dans nos marchés des critères de délai de livraison ou de bilan carbone. » Le directeur des services techniques de Saint-Mandé pointe du doigt l'Europe et ses lois qui visent à favoriser la concurrence, parfois de manière excessive : « L'Europe doit évoluer. Nous devons la faire changer mais ce ne sera pas simple. La Commission européenne est trop ancrée dans sa volonté de généraliser les principes de concurrence, alors que l'Amérique ou l'Asie se protègent beaucoup plus contre les importations. On ne peut pas se contenter de regarder le prix de ce que l'on achète. » L'exemple du granit asiatique est symptomatique : « Si on découvre, au moment de la réception de la marchandise, que les pavés que l'on a achetés sont mal calibrés, il faut faire revenir une seconde livraison. Un nouvel acheminement par bateau va prendre dix semaines ou plus. Il est, pour nos métiers de l'espace public, plus efficace de travailler avec l'Espagne ou le Portugal. »

Plus facile de faire acheter les fournitures par les entreprises

Son souhait ? Favoriser la production européenne. La justification ? Les émissions de CO2. Mais attention aux recours des entreprises qui ne décrochent pas les marchés. Pour éviter les soucis, il est possible de faire acheter les fournitures par les entreprises qui réalisent les travaux commandés. « Pour les végétaux, on peut ainsi s'assurer que l'on fait tout venir de France et d'Europe pour ce qui est introuvable dans l'Hexagone. Par contre, si l'on passe nous-mêmes, en tant que collectivités, des appels d'offres de fournitures, il est beaucoup plus difficile d'éviter que les plantes viennent des grandes pépinières allemandes, néerlandaises, italiennes ou espagnoles. Cependant, les structures européennes devraient être soumises aux mêmes taxes pour être à concurrence égale, ce qui n'est pas le cas actuellement. »

Toutefois, « il faudra accepter, notamment dans l'achat de végétaux, de ne plus prendre le moins-disant pour promouvoir la proximité, qui présente des avantages en termes de facilité de livraison ou de rapidité d'échanges, par exemple. Mais les élus ont compris que tout ne se résume pas au prix, que la qualité entre également en ligne de compte. Bien sûr, on ne peut pas prendre le plus cher, - l'écart de prix avec le moins-disant ne peut pas être trop important car il doit être compensé par une meilleure qualité technique ou des délais plus avantageux -, mais on peut aider les productions locales. Et si nos évaluations de prix sont correctes, celui qui casse ces derniers se fait vite repérer ! »

Présenter des mémoires techniques de qualité

Reste le risque de se faire attaquer par une entreprise ayant répondu avec une offre moins chère que celle qui a finalement été retenue. Pour Emmanuel Gilles de la Londe, il ne faut pas avoir d'états d'âme à se défendre. C'est d'ailleurs devenu plus facile de se justifier : « Avant il y avait deux critères de choix, le prix et la note technique. Aujourd'hui, ils sont plus nombreux et l'entreprise retenue ne peut pas l'être au hasard ! Nous avons fait beaucoup d'efforts pour préciser ce que nous attendions dans les mémoires techniques de nos appels d'offres. » Il importe d'ailleurs de bien justifier le choix des entreprises, car « au moins une sur quatre qui n'est pas retenue sur un marché demande des explications ». Celles qui répondent doivent, elles aussi, faire les efforts nécessaires en proposant un dossier de qualité, notamment sur les modalités de livraison, de plantation, d'entretien, ainsi que des délais très compétitifs, par exemple. Et il ne faut pas oublier que l'on peut évincer des entreprises qui ont pourtant été retenues dans un marché à bon de commandes : on sait qui travaille bien et moins bien. Mais ce n'est pas un critère suffisant. Par contre, si on doit envoyer plusieurs courriers à une société parce qu'il y a des problèmes de qualité sur une livraison ou d'autres soucis, au renouvellement du marché on peut écarter ce fournisseur sur le critère de la candidature non adaptée.

Selon le type de marché, il est aussi plus ou moins facile de faire du local : ça l'est davantage pour un marché adapté. Encore faut-il rester sous le seuil de 200 000 euros pour éviter celui des appels d'offres européens. « Nous le faisons pour les achats de fleurs avec des marchés de quatre ans », précise Emmanuel Gilles de la Londe, qui se fournit aujourd'hui dans des entreprises d'Île-de-France. « Et dès que notre besoin est plus faible et si l'on se situe sous la barre de 15 000 euros HT, la ville n'hésite pas à fonctionner en marché de gré à gré en faisant faire plusieurs devis. Cette formule permet de négocier les prix, les délais, les modalités de livraison... beaucoup plus facilement. »

Enfin, notre homme porte un regard attentif sur ce qui se fait en termes de concentration de l'offre : le GIE (groupement d'intérêt économique) créé récemment en Île-de-France (voir le Lien horticole n° 782 du 11 janvier 2012, p. 12), par exemple, est une bonne chose tant du point de vue du technicien que de celui de l'élu. « Tout ce qui consiste à être plus réactif et à proposer une plus grande diversité doit être fait. Pour les arbres, les pépinières allemandes et néerlandaises nous ont damé le pion par la taille. Il faut encourager les locaux d'une autre manière, et il est plus facile de le faire s'ils se regroupent. Si chacun se dit : “Je ne peux pas tout faire, je dois me regrouper”, alors c'est gagné. »

Pascal Fayolle

Le code des marchés publics permet de choisir des produits ayant le meilleur bilan carbone, et donc de favoriser ceux en provenance de pays européens... voire des articles plus locaux pour peu qu'il s'agisse d'un marché adapté.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement